Le coelacanthe est un poisson extraordinaire.
Il est plus près des Tétrapodes (nous) que des autres poissons mais il n’est pas le « chainon manquant » entre le monde aquatique des poissons et le monde terrestre des vertébrés à pattes car depuis 400 millions d’années aucun représentant (et ils sont une tripotée) n’a cherché à sortir de l’eau pour envahir les continents. C’est une lignée proche qui a donné naissance aux premiers amphibiens il y a 380 millions d’années.
Pour le trouver il faut d’abord être capable de le reconnaître. Il a des particularités anatomiques : un poumon à plaques (non fonctionnel), un crâne articulé en deux parties, un petit cerveau, des nageoires à structure axiale…mais si vous en croisez un sous l’eau ou sur un marché ce qui devra attirer votre attention c’est le petit lobe situé au bout de la nageoire caudale, aucun autre poisson actuel n’en a un.
Physiologiquement il a un métabolisme très bas (évalué par la surface des branchies), il pratique (comme les requins) l’électro-réception et est ovovivipare.
Le premier spécimen vivant a été trouvé en 1938 en Afrique du Sud. Le second a été pêché aux Comores. Puis de nombreux autres ont été pêchés dans le Canal du Mozambique, tous de l’espèce Latimeria chalumnae. En 1998 un exemplaire a été capturé au Sulawesi (Indonésie) de l’espèce Latimeria menadoensis ; il a été trouvé par un jeune biologiste américain dans le marché aux poissons de Manado alors qu’il était en voyage de noce avec son épouse et qu’il venait de se marier à Bali. Ce que je veux dire c’est que nous pouvons tous faire des découvertes extraordinaires. Il faut avoir l’esprit ouvert !Les Français auraient tenté de lui « piquer sa découverte » mais ça c’est une toute autre histoire…Les Japonais eux aussi ont toujours été sur les rangs : en 2009 ils filmèrent, avec un rover, en Indonésie, dans une grotte, 6 individus ; l’année suivante un spécimen fut trouvé à 1800 kilomètres à l’est du site original, aux Raja Ampat ! Découverte confirmée le 2 juillet 2018 lorsqu’un pêcheur à la ligne a remonté un second coelacanthe près de l’île de Waigeo.
Où trouver d’autres coelacanthes ? Il existe peut être d’autres populations de l’une des deux espèces, voire une troisième ou une quatrième espèce, sur quelques mont sous-marin au milieu de l’océan Indien le long des 10000 kilomètres qui séparent les coelacanthes africains des indonésiens.
La modélisation des niches écologiques (profondeur, température de l’eau, oxygène disponible etc…) des deux espèces a été comparée, par algorithme, aux données mondiales pour trouver des milieux comparables/compatibles. L’équipe du Kansas qui s’est attelée à cette tâche a trouvé des sites potentiellement accueillant en Australie, en Amérique Centrale et du Sud, dans le Golfe de Gascogne et en mer d’Irlande. Alors, ouvrez les yeux !
Les poissons ont conquis les milieux terrestres il y a environ 350 millions d’années. De nouvelles découvertes étonnantes éclairent cette période cruciale de notre histoire. Les poissons sortis de l’eau ont donné naissance aux tétrapodes (amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères). Les bases des innovations nécessaires pour respirer et marcher à l’air libre existaient déjà chez l’ancêtre commun de tous les poissons osseux. Ceux-ci comprennent les poissons à nageoires rayonnées (actinoptérygiens) et ceux à nageoires charnues (sarcoptérygiens). Les premiers rassemblent les « téléostéens » (99,8% des espèces actuelles), les seconds donneront naissance aux tétrapodes et portent aussi une sous-branche comprenant coelacanthes et dipneustes. Les dipneustes (des poissons d’eau douce), en plus de leurs branchies ont un poumon fonctionnel qui les rend capables de respirer à l’air libre. Le dipneuste africain peut survivre des mois hors de l’eau durant la saison sèche. La plupart des téléostéens ont une vessie natatoire qui sert à contrôler la flottaison en se remplissant ou se vidant de gaz. L’ancêtre de tous les poissons osseux avait déjà un poumon fonctionnel (peut être utile pour capter l’oxygène de l’air alors qu’il était devenu plus rare dans l’eau) mais pas de vessie natatoire. Ce poumon primitif est devenu inutile chez presque tous car ils respirent avec leurs branchies, il s’est transformé en vessie natatoire : magnifique bricolage évolutif ! Et puis, avec l’apparition des oiseaux, il devenait risqué de venir respirer en surface, la pression de sélection sauf exception (dipneustes, coelacanthes, bichir) n’a pas retenu ce double mode de respiration.
Dans le génome de poissons anciens on a trouvé des éléments régulateurs qui augmentent la flexibilité des nageoires. Une simple mutation permet de diviser les os et de créer une articulation. C’était sans doute utile en des temps reculés où le niveau de la mer était plus bas pour ramper sur les hauts-fonds marécageux…
« Coelacanthe, un poisson énigmatique » Lionel Cavin, Ed. Le Cavalier Bleu, 2019
« Comment nos ancêtres sont sortis des eaux » Florence Rosier, Le Monde, 21 avril 2021.