Le coelacanthe et la conquête du milieu terrestre.

Le coelacanthe est un poisson extraordinaire.

Il est plus près des Tétrapodes (nous) que des autres poissons mais il n’est pas le « chainon manquant » entre le monde aquatique des poissons et le monde terrestre des vertébrés à pattes car depuis 400 millions d’années aucun représentant (et ils sont une tripotée) n’a cherché à sortir de l’eau pour envahir les continents. C’est une lignée proche qui a donné naissance aux premiers amphibiens il y a 380 millions d’années. 

Pour le trouver il faut d’abord être capable de le reconnaître. Il a des particularités anatomiques : un poumon à plaques (non fonctionnel), un crâne articulé en deux parties, un petit cerveau, des nageoires à structure axiale…mais si vous en croisez un sous l’eau ou sur un marché ce qui devra attirer votre attention c’est le petit lobe situé au bout de la nageoire caudale, aucun autre poisson actuel n’en a un.

Physiologiquement il a un métabolisme très bas (évalué par la surface des branchies), il pratique (comme les requins) l’électro-réception et est ovovivipare.

Le premier spécimen vivant a été trouvé en 1938 en Afrique du Sud. Le second a été pêché aux Comores. Puis de nombreux autres ont été pêchés dans le Canal du Mozambique, tous de l’espèce Latimeria chalumnae. En 1998 un exemplaire a été capturé au Sulawesi (Indonésie) de l’espèce Latimeria menadoensis ; il a été trouvé par un jeune biologiste américain dans le marché aux poissons de Manado alors qu’il était en voyage de noce avec son épouse et qu’il venait de se marier à Bali. Ce que je veux dire c’est que nous pouvons tous faire des découvertes extraordinaires. Il faut avoir l’esprit ouvert !Les Français auraient tenté de lui « piquer sa découverte » mais ça c’est une toute autre histoire…Les Japonais eux aussi ont toujours été sur les rangs : en 2009 ils filmèrent, avec un rover, en Indonésie, dans une grotte, 6 individus ; l’année suivante un spécimen fut trouvé à 1800 kilomètres à l’est du site original, aux Raja Ampat ! Découverte confirmée le 2 juillet 2018 lorsqu’un pêcheur à la ligne a remonté un second coelacanthe près de l’île de Waigeo.

Où trouver d’autres coelacanthes ? Il existe peut être d’autres populations de l’une des deux espèces, voire une troisième ou une quatrième espèce, sur quelques mont sous-marin au milieu de l’océan Indien le long des 10000 kilomètres qui séparent les coelacanthes africains des indonésiens.

La modélisation des niches écologiques (profondeur, température de l’eau, oxygène disponible etc…) des deux espèces a été comparée, par algorithme, aux données mondiales pour trouver des milieux comparables/compatibles. L’équipe du Kansas qui s’est attelée à cette tâche a trouvé des sites potentiellement accueillant en Australie, en Amérique Centrale et du Sud, dans le Golfe de Gascogne et en mer d’Irlande. Alors, ouvrez les yeux !

Les poissons ont conquis les milieux terrestres il y a environ 350 millions d’années. De nouvelles découvertes étonnantes éclairent cette période cruciale de notre histoire. Les poissons sortis de l’eau ont donné naissance aux tétrapodes (amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères). Les bases des innovations nécessaires pour respirer et marcher à l’air libre existaient déjà chez l’ancêtre commun de tous les poissons osseux. Ceux-ci comprennent les poissons à nageoires rayonnées (actinoptérygiens) et ceux à nageoires charnues (sarcoptérygiens). Les premiers rassemblent les « téléostéens » (99,8% des espèces actuelles), les seconds donneront naissance aux tétrapodes et portent aussi une sous-branche comprenant coelacanthes et dipneustes. Les dipneustes (des poissons d’eau douce), en plus de leurs branchies ont un poumon fonctionnel qui les rend capables de respirer à l’air libre. Le dipneuste africain peut survivre des mois hors de l’eau durant la saison sèche. La plupart des téléostéens ont une vessie natatoire qui sert à contrôler la flottaison en se remplissant ou se vidant de gaz. L’ancêtre de tous les poissons osseux avait déjà un poumon fonctionnel (peut être utile pour capter l’oxygène de l’air alors qu’il était devenu plus rare dans l’eau) mais pas de vessie natatoire. Ce poumon primitif est devenu inutile chez presque tous car ils respirent avec leurs branchies, il s’est transformé en vessie natatoire : magnifique bricolage évolutif ! Et puis, avec l’apparition des oiseaux, il devenait risqué de venir respirer en surface, la pression de sélection sauf exception (dipneustes, coelacanthes, bichir) n’a pas retenu ce double mode de respiration.

Dans le génome de poissons anciens on a trouvé des éléments régulateurs qui augmentent la flexibilité des nageoires. Une simple mutation permet de diviser les os et de créer une articulation. C’était sans doute utile en des temps reculés où le niveau de la mer était plus bas pour ramper sur les hauts-fonds marécageux…

« Coelacanthe, un poisson énigmatique » Lionel Cavin, Ed. Le Cavalier Bleu, 2019

« Comment nos ancêtres sont sortis des eaux » Florence Rosier, Le Monde, 21 avril 2021.

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Il n’y a pas que les requins dans la vie!

…enfin, dans la notre…

Les Tuniciers…c’est quand même fou d’imaginer que nous sommes les cousins de ces sacs informes.
Les Tuniciers (Urochordés, 3000 espèces, dont certaines comme le violet sont comestibles) font rarement l’ouverture du journal télévisé, et pourtant…
Ils sont cousins des Vertébrés au sein des Chordés : chez leur larve, une structure embryologique, la chorde, sera à l’origine, chez les Vertébrés, de la colonne vertébrale. Bref, les Tuniciers sont nos frères. Ce qui calme un peu notre hubris.
Parmi eux les Ascidies (2300 espèces), fixées, sont majoritaires. Les Tuniciers sont des animaux filtreurs qui absorbent l’eau de mer par un orifice, la filtrent à travers un pharynx puis la rejettent par un orifice excréteur.
Leur cœur est unique au monde : le sens des battements s’inverse toutes les 1 à 3 minutes (en fonction de l’espèce) inversant le sens de la circulation sanguine.
Certaines de leurs cellules sont capables de concentrer un métal rare, le vanadium, dans des proportions dix millions de fois supérieures à celle de l’eau de mer. Pourquoi ? On n’en sait rien.
Leur « tunique » est faite de cellulose pure. C’est la matière organique la plus abondante sur Terre, 50% de la biomasse ! On pensait jusqu’à maintenant que seuls les plantes, certaines algues, bactéries et champignons étaient capables de synthétiser ce polymère de glucose de haut poids moléculaire. Les Tuniciers auraient pu acquérir le gène de la synthèse de la cellulose par un transfert horizontal du gène à partir d’une actinobactérie il y a 530 millions d’années. Nos cousins sont les seuls animaux à posséder ce gène et à synthétiser de la cellulose, une cellulose plus pure que les autres et qui pourrait être utilisée en médecine régénérative.
Je ne les regarderai plus jamais de la même façon. Non, ces sacs ciliés ne sont pas uniquement des caches à copépodes pour nos prises de vue. Ces cousins sont une pure merveille de la Nature. Une de plus.

« Les tuniciers, ces cousins qui fabriquent de la cellulose » Denis Allemand, Espèces N°39, mars 2021.

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Ecologie Sacrée

Ecologie sacrée : gestion des pêcheries

Dans l’Arctique canadien l’étude de la pêche par les Cree de James Bay a montré que leurs résultats étaient aussi bons, voir meilleurs, que ceux des méthodes modernes.

Pour eux, le poisson est respecté ; il est pêché uniquement s’il le veut bien, on ne se vante pas de sa pêche ; on ne gaspille pas, on mange ce qu’on pêche, on ne « joue » pas avec les poissons. Les Cree sont, par exemple, horrifiés par les pêcheurs qui relâchent leurs prises (« catch-and-release »).

Les Cree pêchent des cisco (Coregonus artedii) principalement avec des filets à petites mailles (63,5mm) et des whitefish (C. clupeaformis) avec des mailles plus grandes (88,9mm). La sélectivité des filets est très bonne. Loin des villages les Cree se concentrent sur les grands et fameux whitefish, alors qu’aux allentours des habitations ils pêchent plutôt des cisco (qui sont adultes à une plus petite taille et supportent une plus grande pression de pêche).

La productivité globale de la pêcherie est aussi bonne voir meilleure que celles des autres de la région. La différence avec une pêcherie commerciale ? Les Cree pêchent uniquement pour leurs besoins (10 kilos par jour pour une famille étendue), il n’y a aucune incitation à pêcher au-delà. On a longtemps affirmé que les bons résultats des peuples premiers étaient dûs à leurs petites populations et à leur technologie primitive. La science moderne de la pêche, c’est, essentiellement, contrôler : combien de poissons vous attrapez, où, quand, de quelle espèce, et enfin de quelle taille. Très peu de pêcheries modernes remplissent ces objectifs. Force est de reconnaître que les Cree y arrivent !

Ils désapprouvent fortement la plupart des techniques halieutiques modernes car elles n’ont aucun respect pour les poissons : prélever des jeunes poissons, les marquer, les relâcher, les recapturer est, pour eux, inacceptable…Contrôler les populations de poissons est, pour eux, «l’objectif prétentieux d’un peuple immature qui se prend pour Dieu ».

Comment les Cree arrivent-ils à ce bon résultat ? La réponse réside, partiellement, dans leur compréhension intime de l’écosystème arctique aquatique. Leur système est basé sur trois principes : – pêcher là où le poisson est abondant – pêcher intensément sur des périodes très courtes, en alternance avec des périodes de repos – utiliser des filets de mailles différentes. Dans les pêcheries commerciales l’accent est mis sur les poissons de grande taille alors que les Cree trouvent des utilisations aux poissons de toute taille.

Ils ont une connaissance intime des poissons. Pour les Cree de Chisasibi il y a 2 sortes de truites de brook (Salvelinus fontinalis) dans leur lac, truites qui entreprennent, chacune, une migration inversée. Ceci fut ensuite démontré par des études génétiques. Sur un autre continent, Baird (2006) a montré que les sites sacrés du Mékong, au Laos, comprenaient des trous d’eau qui étaient autant de refuges, durant la saison sèche, pour les grandes espèces.

« Sacred Ecology » Fourth Edition, Fikret Berkes, Routledge Ed. 2018.

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Vous croyez connaitre les anguilles?

Anguille femelle, au stade argenté, attendant une crue d’automne du Frémur, en Bretagne, pour quitter la rivière où elle a grandi pendant une dizaine d’années et entreprendre sa migration de reproduction marine.

On sait tous que l’anguille est un poisson extraordinaire.
Ou, du moins, on croit le savoir…
On sait que c’est un poisson migrateur qui passe de l’eau salée à l’eau douce et inversement, qui se reproduit (pour l’anguille européenne) dans l’Atlantique, les jeunes regagnent les terres et, après une période de croissance dans un cours d’eau regagnent la mer (poisson catadrome). Seul un tout petit nombre d’individus effectue la totalité du cycle.
Voilà ce qu’on sait en général, mais, ce que la plupart d’entre nous ignorons est encore plus extraordinaire.
Le lieu de reproduction de l’anguille a été pendant des siècles un mystère. Des captures ont permis au siècle dernier de le localiser à la Mer des Sargasses, cette vaste zone de l’Atlantique nord bordée et définies par différents courants comme le Gulf Stream. Récemment ceci a été remis en question :

https://www.lemonde.fr/sciences/article … fQF6nTlpPc

La zone de naissance des anguilles européennes se trouverait 2000 kms plus au nord-est.
Le voyage des larves vers les côtes européennes peut prendre jusqu’à 3 ans. Lors de sa migration dans les rivières continentales, s’il le faut, l’anguille peut vivre plusieurs heures à l’air libre et traverser des prés humides en rampant.
On ne sait pas exactement comment elle trouve sa route.
A l’emplacement qu’elle a choisi pour vivre l’anguille peut rester…une éternité…mettons 50 années dans le même site. En captivité des anguilles suédoises ont vécu 80 ans. Certaines ont vécu au fond d’un puits pendant 150 ans.
Et puis, un jour, en général entre 15 et 30 ans, l’anguille décide de se reproduire et, après une ultime métamorphose, elle devient une anguille argentée. Elle entreprend alors le chemin inverse…et rien ne pourra l’arrêter : voyageant jusqu’à 50 kms par jour parfois jusqu’à 1000 mètres sous la surface – mille mètres! – elle est animée par un seul but : se reproduire.
On ignore à peu près tout de cette dernière migration, de ce long voyage ascétique qui peut durer 6 mois.
Une anguille argentée, en captivité, peut rester quatre années sans se nourrir.
Oui, vous avez bien lu : une anguille peut vivre 150 ans au fond d’un puits et survivre jusqu’à quatre ans sans se nourrir.
Je n’en reviens toujours pas…

« The gospel of the eels » Patrik Svensson, Ed. Picador (le livre vient de sortir en Français).

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La mystérieuse mortalité des saumons coho du Pacifique enfin élucidée…

On sait maintenant que le plastique n’est plus aussi fantastique que nous le pensions…On se doutait depuis un certain temps que les vieux pneus qui envahissent nos décharges allaient être difficile à recycler. L’idée d’en faire des récifs artificiels s’est rapidement avérée mauvaise et il a fallu, à grand coût, les retirer de l’eau, mais on ne savait pas, encore, à quel point leur usure normale était toxique pour l’environnement.

Les autorités de l’état de Washington (Nord-Ouest des Etats-Unis) dépensent des millions de dollars pour restaurer les rivières à saumons mais, malgré leurs efforts, ils constatent, après de fortes pluies, une hécatombe parmi les saumons coho (ou saumon argenté). Ces mortalités sont observées du nord de la Californie jusqu’à la Colombie-Britannique (Canada) et elles ont défiées les biologistes pendant des décennies : les pesticides, les maladies, la température et des faibles taux d’oxygène ne semblant pas être responsable.

Après 20 années de recherche il s’avère que le responsable est un produit chimique utilisé dans la fabrication des pneus. Quand il pleut le lessivage des routes entraine vers les rivières et la mer une soupe de polluants comprenant, entre autres, des milliards de micro particules de plastique.

L’aire de répartition du saumon coho va de Santa Cruz (Californie) jusqu’à l’Alaska mais les dernières populations de Californie sont menacées.

Les chercheurs ont passé des années à étudier la composition des rivières, à comparer celles qui sont très isolées et celles qui se trouvent près des routes, et la nature des polluants avant et après la pluie pour, finalement s’intéresser aux effluants provenant des pneus. En laboratoire le lessivage de morceaux de pneus a libéré entre 1500 et 2800 produits chimiques. Finalement le responsable s’est avéré être le 6PPD-quinone, un dérivé du 6PPD qui augmente la solidité des pneus. Le 6PPD-quinone est très toxique pour les poissons à la dose de 1 microgramme par litre. On ne sait pas encore exactement comment il tue les saumons, il pourrait endommager leurs vaisseaux sanguins. L’impact sur l’homme est inconnu.

Conduire n’est pas seulement dommageable par la pollution de l’air et le réchauffement climatique. En plus des microplastiques et du 6PPD l’usure des pneus libère aussi dans la nature du zinc toxique.

L’invention du pneu a un peu plus d’un siècle. Qu’il ait fallu attendre 120 ans pour réaliser que l’usure de ces milliards de pneu pollue me plonge dans un abime de perplexité…

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Dans la peau d’une tortue marine…

A quoi peut ressembler l’expérience subjective d’une tortue marine ?

On a déjà exploré l’umwelt des poissons, c’est à dire ce qu’ils ressentent, leur univers sensoriel ici :

Humuhumunukunukuapua’a (1) – Forum-photosub.fr (forum-photosub.fr)

et celui des poulpes là :

CEPHALOPOLIS « Ce que c’est qu’être une pieuvre… » | Le cri du poulpe (wordpress.com)

Il y a 7 espèces de tortues marines dont la vie pour chacune d’entre elles est largement déterminée par ce qu’elles mangent, l’obligation qui leur ait faite de venir respirer régulièrement à la surface et, pour les femelles, un jour, de venir pondre sur leur plage de naissance.

Je suis une tortue luth, la plus grande de toutes les tortues marines.

J’ai une carapace sans écaille recouverte d’une peau épaisse.

Je mange des méduses et peut en ingérer chaque jour mon poids.

Je peux rester plus d’une heure en plongée et descendre à 1200 mètres (oui vous avez bien lu, 1200 mètres!) en réduisant mon métabolisme et, également, en partie, grâce à la récupération d’oxygène dissous dans ma peau ou la muqueuse de mon cloaque.

Je peux faire des centaines voir des milliers de kilomètres pour migrer de mes zones d’alimentation vers mes sites de reproduction.

Pour retrouver ma plage de naissance après l’avoir quittée, parfois, 20 ans auparavant, et alors qu’elle se trouve à des milliers de kilomètres je m’oriente grâce au champ magnétique et j’affine la localisation grâce à la vue et l’odorat. Personne ne sait faire cela, même l’homme peine à le comprendre. Les arbres et fleurs qui poussent sur une île dessinent une signature olfactive emportée par les vents, signature que nous reconnaissons et que nous pouvons remonter.

Mes modes de communication avec mes pairs restent un mystère.

« Les tortues marines » J. Bourjea, H. Sauvignet, S. Ciccione, Ed. Quae.

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Galapagos en sursis?

Ph prise au Yémen

Depuis la fin juillet une armada de 260 bateaux chinois pêchent au large des Galapagos menaçant la vie marine de ce joyau de la biodiversité. Les navires prennent soin de rester en dehors des eaux territoriales équatoriennes mais ils appâtent et capturent des espèces protégées comme les requins-baleines et les requins marteaux qui migrent dans ces eaux.

Six navires de la flotte ont trafiqué les émissions de leur balise GPS (qui signale leur position = Automatic Identification System transponders) pour faire croire qu’ils étaient dans les eaux néozélandaises signale Skytruth1.

La flotte, qui comprend des navires frigorifiques et de ravitaillement, va rester jusqu’à ce que les cales soient pleines. Ils « pompent » littéralement la vie de ce site inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 1978. Nous assistons à la destruction des océans en temps réel.

En août 2017, la marine équatorienne avait réussi à arraisonner, dans les eaux des Galapagos, le Fu Yuan Yu Leng 999. Bien que n’étant pas un chalutier, ce navire recelait dans ses congélateurs pas moins de 300 tonnes de poissons, dont certains étaient des espèces protégées.

Ce pillage récurrent des eaux sud-américaines risque de réduire à néant les efforts de pays qui tentent de construire un ambitieux réseau de parcs et de corridors marins protégés comprenant, entre autre, les îles Galapagos (Equateur), Malpelo (Colombie), Socorro (Mexique), Coco (Costa-Rica) etc…C’est la vie marine de tout l’Est Pacifique qui est en jeu.

Une étude internationale publiée en 2013 par le magazine scientifique Nature a mis en garde contre la pression excessive des bateaux de pêche chinois dans les océans du monde. Il a quantifié pour la première fois l’étendue du pillage des stocks mondiaux de pêche par la Chine. Entre 2000 et 2011, les flottes du pays captureraient jusqu’à 6,1 millions de tonnes de poisson par an. Cependant, pendant la même période, Beijing n’a déclaré qu’environ 368,000 tonnes de poisson par an à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

A moins que la Haute Mer soit protégée l’Océan risque de devenir un désert sans vie.

Hormis la BBC aucun média n’en a parlé.

Il y a un fort soupçon d’esclavage humain à bord des navires et l’Indonésie s’est plainte auprès de la Chine.

Pourquoi et comment la Chine vide les océans :

https://e360.yale.edu/features/how-chinas-expanding-fishing-fleet-is-depleting-worlds-oceans?fbclid=IwAR2UsJC_JCqkB3aNoE81LsH_LjqgxkYD8HoGXLBB8V1JBlxTWZY8OgTqe8Q

La news sur la BBC :

https://www.youtube.com/watch?v=b2EGEvxwXJw

1Le groupe de sentinelles de l’environnement Skytruth qui utilise l’imagerie satellite pour identifier les menaces à l’environnement a lancé le site de surveillance du braconnage en mer, Global Fishing Watch website en 2016.

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Mégalodon, calamar et baleine bleue : des nouvelles des géants…

Le mégalodon (Carcharocles megalodon), espèce de requin éteinte pouvant atteindre 18 mètres est considéré comme le plus grand superprédateur marin ayant jamais existé. Pourquoi a-t-il disparu ? Il sillonnait les mers entre 23 et 2 millions d’années. En confrontant sa répartition géographique, son abondance et les données environnementales on en a déduit que les variations climatiques ne seraient pas directement responsables de son extinction. Son déclin semble lié à la chute de la diversité des cétacés, dont il se nourrissait, à la fin du Miocène et à l’émergence de concurrents (cachalots). 20 millions d’années d’existence qui s’achèvent à cause d’une compétition alimentaire.

L’encornet géant (Dosidicus gigas) transmet des informations complexes à ses congénères grâce à la bioluminescence. Les tissus musculaires contiennent des photophores (organes produisant de la lumière) sous la peau qui contient elle-même des chromatophores (cellules pigmentaires créant des motifs changeants à la surface de l’animal). Son corps luisant fait ressortir par contraste des motifs cutanés : le calamar a inventé les signaux rétroéclairés. Des vidéos collectées au large de la Californie suggèrent que ces animaux sociaux échangent des informations quand ils chassent. Des séquences particulières, où des signaux semblent modifier le sens d’autres signaux, laissent même entrevoir une véritable syntaxe…

L’équipe de J. Goldbogen a réussi à faire l’ECG de la baleine bleue…pendant 8h30 ! Poids de la bête : 170 tonnes…et son cœur pèse le poids d’une vache. L’animal a fait des apnées de 16 minutes et est descendu à 184 m. En surface le cœur battait à 30 battements par minute (bpm), en plongée il ralentissait jusqu’à 4 ou 8 voir 2 bpm ! Cette extrême bradycardie est compensée par la richesse en myoglobine (qui fixe l’oxygène) des muscles.

Pimiento C. et al., 2016. Journal of Biogeography.
Burford BP et Robison BH, 2020, PNAS.
Goldbogen JA, Cade DE et al. 2019 PNAS.

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Une vie de John Muir (1838-1914)

 

Jenni nous offre une chaleureuse biographie du père fondateur de l’écologie politique aux Etats-Unis.
« C’est l’homme le plus libre que j’ai jamais rencontré » disait de lui Théodore Roosevelt.
Né en Ecosse, débarqué à 10 ans aux Etats-Unis, il travaille dur dans la ferme familiale, puis invente des machines étonnantes. Il quitte le Wisconsin et sillonne, dans un dénuement presque total, le pays à pied jusqu’en Floride – 1500 kms ! – puis rejoint la Californie. Il y tombe amoureux des arbres, les séquoias notamment, et des paysages.
Grandi dans un calvinisme écossais rigoriste, il se forge un animisme monothéiste.
Il voit la disparition des pigeons migrateurs qui, pendant son adolescence, obscurcissaient le ciel par millions (milliards?). En Alaska, il étudie les glaciers, rencontre des Indiens avant leur extermination. Il est touché par leur grande bienveillance vis à vis des enfants.
Ce marcheur invétéré devient le vieux sage, l’esprit des forêts de l’ouest américain. Il contribue à la création du Parc Yosémite et du Sierra Club.
Avec Thoreau, il est l’autre créateur de la pensée écologique aux Etats-Unis, mais un penseur plus aventureux et naturaliste, plus « physique ».
Jenni rend merveilleusement tout le génie de Muir. Il nous fait partager, sentir, comprendre la curiosité de l’homme, « sa résistance physique, son émerveillement esthétique, spirituel et scientifique ».
Ce père spirituel des conservationnistes nous a laissé parmi les plus belles pages de nature writing.
John Muir, maître à penser et maître de vie, un projet pour un XXIème siècle plus frugal ?

« J’aurais pu devenir millionnaire j’ai choisi d’être vagabond ». Alexis Jenni, Ed. Paulsen.

 

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La conscience des dauphins

Qu’est-ce que la métacognition? C’est la “cognition sur la cognition”. L’animal peut-il formuler “qu’il sait qu’il sait” ou “qu’il sait qu’il ne sait pas”? Elle est l’une des formes les plus complexes de la cognition et souvent considérée comme exclusivement humaine. L’étude chez l’homme est basée sur des rapports verbaux ; chez les animaux il a fallu développé des tests comportementaux ingénieux. Par exemple, pour évaluer le jugement métacognitif, c’est-à-dire la capacité de juger son propre état de connaissance, on offre aux sujets la possibilité de ne pas répondre à un exercice ou bien de se retirer d’une situation donnée lorsqu’ils estiment que l’exercice proposé est difficile. Ce type de dispositif a été utilisé dans l’étude pionnière sur les dauphins de Smith en 1995. Le principe de la tâche de discrimination perceptuelle consiste à demander à l’animal de distinguer deux stimulus en fonction de leurs propiétés physiques (auditives ou visuelles). Le sujet doit classer un son en fonction de sa fréquence (basse ou haute). L’animal est placé face à un dispositif présentant deux leviers A et B, un à droite, l’autre à gauche. Un son est émis. S’il estime que le son est de basse fréquence, il doit appuyer sur A, s’il estime qu’il est de haute fréquence il doit appuyer sur B. Si l’animal donne la bonne réponse il obtient une récompense alimentaire. Une fois que les animaux ont appris cette tâche on accroit la difficulté de l’exercice. Les deux stimulus présentés deviennent de plus en plus difficiles à discriminer (les deux sons ont des fréquences proches). Si le sujet est capable d’évaluer son propre état de connaissance, il est censé pouvoir détecter le niveau de difficulté de la tâche. S’il parvient ainsi à distinguer l’option pour laquelle il est certain de connaitre la réponse de celle pour laquelle il doute, il peut agir en conséquence. Dans le test de l’évaluation de l’incertitude, le but est de déterminer si l’animal est capable de refuser d’exècuter le test s’il sait qu’il ne sait pas. Pour cela on donne au sujet la possibilité d’accepter ou bien de refuser d’exècuter la tâche. On offre un “joker” que l’animal peut utiliser quand il juge qu’il ne connait pas la bonne réponse. Deux nouvelles options sont introduites X et Y. Si l’animal juge qu’il connait la bonne réponse, il peut choisir l’option X (en appuyant sur un levier spécifique), puis choisir la réponse. S’il a la bonne réponse, il obtient une grosse récompense, s’il ne l’a pas, il n’obtient rien. En revanche, si l’animal juge qu’il ne connait pas la bonne réponse, alors il peut appuyer sur le levier Y, le “joker”. Dans ce cas, il obtient, quoi qu’il arrive, une petite récompense – mais une récompense tout de même. La prédiction est qu’un animal capable d’un jugement métacognitif prospectif appuiera davantage sur le levier X quand il est certain de la réponse, mais choisira le levier Y, le joker, en cas d’incertitude. Le dauphin, le singe rhésus, l’orang-outang, le chimpanzé et le rat ont effectivement davantage choisi le levier Y dans les tâches les plus difficiles, ce qui suggère qu’ils sont capables d’un jugement prospectif métacognitif.

“La conscience des animaux” P. Le Neindre et al. Ed. Quae. 2018

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